Comment un e-mail inhabituel a vendu 28 paires de souliers haut-de-gamme"osés"​ (en moins de 24h)

Hello, 

 

J’aimerais vous parler d’un mail de vente que j’ai écrit il y a… 

 

5 ans, je crois. 

 

C’est le mail dont je suis le plus fier à ce jour. 

 

 

Parce qu'il prouve que tout le monde adore les histoires et les sensations fortes, même les clients du luxe.

 

Je l’ai écrit juste avant de me coucher, à 22h, après avoir procrastiné tout l’après-midi, puis toute la soirée. 

 

Parce que j’avais promis à mon ami Maxime que je l’écrirais. 

“Maxime…?”

Oui, pardon, je vous donne le contexte.

 

Il y a 5 ans, je passais beaucoup de temps dans l’appartement de Maxime, près de Pigalle. 

 

Maxime est le fondateur de Jacques&Déméter, une marque de souliers haut de gamme, et, depuis 2016, le plus gros blog sur la chaussure français. 

 

C’était l’été, on n’arrivait pas trop à travailler, on avait sorti des petites bouteilles de 1664... 

 

Et on parlait de toutes les belles choses qui étaient arrivées pendant les derniers mois : une campagne ulule réussie, un beau lancement produit… 

 

Bref, on n’avait pas la tête à se mettre au boulot. 

 

Après un silence entrecoupé de gorgées de bière, je remarque et pointe du doigt un tas de cartons qui traînent dans le coin du salon.

 

- “C’est des protos ?”

 

- “Haha si seulement…”

 

Silence. 

 

Me voilà intrigué. 

 

- “Non, mais sérieux, c’est quoi ?”

 

- “Attends, je te montre.”

 

Maxime finit sa bouteille, se lève et attrape le premier carton sur la pile. 

 

Amusé par mon soudain élan de curiosité, il l’ouvre touuuuuuuuuut doucement.

 

Et là, je les vois. 

 

Des chukkas en veau velours bleu. 

 

On est sur de la pompe qu’il faut assumer. 

 

-“Attends, tu ne vas pas me dire que tous les cartons, c’est CE modèle ? “

 

-“Et si… j’en avais une centaine l’année dernière, il ne m’en reste plus qu’une trentaine… j’ai vraiment hâte de m’en débarrasser.”

 

-“Mais… à quel moment tu as décidé d’acheter du stock de ÇA ?”

 

Maxime me raconte alors toute l’épopée des fameuses chukkas… 

 

Lorsqu’il termine, je lui demande s’il a déjà pensé à raconter cette histoire à quelqu’un. 

 

-“Euh… non. Mais c’est pas intéressant, non ?”

 

Je souris.

 

-“Je vais vendre les dernières paires. Tu me fais confiance ?”

 

-“Écoute, si tu penses pouvoir m’en débarrasser, vas-y.”

Le même soir, à 22h, je me décide d’écrire le mail suivant à la petite base mails de Jacques&Déméter.

 

( Note : Le mail original était en français. Ensuite, je l’ai traduit en anglais pour mon ami Neville Medhora, fondateur de KopywritingKourse.com qui adore les mails de ventes. J’ai perdu l’original, j’ai donc pris la version anglaise et je l’ai mise dans Deepl, pour la retraduire en français. Bref, si certaines phrases sonnent étranges, vous savez pourquoi.)

Titre : Une collaboration ratée.... et pourquoi vous allez ADORER notre misère 

 

Ah... Je m'en souviens comme si c'était hier !

 

(D'un autre côté, elles sont toujours assises en face de moi, à me juger et à me rappeler cette énorme catastrophe) 

 

"De quoi tu parles ?"

 

Désolé, laissez-moi m'expliquer, vous allez bien rigoler : l'année dernière, nous avons fait une collaboration exclusive avec un grand site de mode. 

 

Nous (= Valentine et moi) avons rencontré plusieurs fois les fondateurs de ce site pour discuter et nous entendre sur le type de chaussures fabuleuses que nous allions produire ensemble.

 

Ces chaussures ne devaient être produites qu'en 100 exemplaires, ce qui en ferait une véritable exclusivité. 

 

De plus, nous avions prévu qu'ils ne seraient disponibles que dans un seul magasin à Paris. 

 

Yep, nous voulions le sentiment "hyper exclusif" que vous aimez tant... 

 

Bref, voici ce qui nous avons convenu après avoir discuté de la conception et de la production de la chaussure avec nos nouveaux partenaires : 

 

Des chukkas bleues, haut de gamme, confectionnées dans un des meilleurs cuirs en daim de France (et même du monde entier) !

 

Maintenant vous pourriez dire : "OK, ça n'a pas l'air trop compliqué, n'est-ce pas ce que Jacques&Déméter fait habituellement ?"

 

C'est gentil de dire ça, merci :D ! 

 

MAIS ATTENDEZ ! 

 

L'un de nos deux partenaires était particulièrement friand de l'aspect vintage que l'on obtient quand on gratte le cuir (oui, gratter, c'est exactement l'action à laquelle vous pensez, pas de jargon fantaisiste), afin de donner un côté "usé" aux chaussures. 

 

Je me suis dit : "Si tu aimes, faisons-le !"

 

Nous nous sommes donc mis au travail. 

 

Premier prototype : trop gratté, bleu bizarre, trop décoloré, difficile à associer avec d'autres vêtements. On n'aimait pas, ils n'aimaient pas. SUIVANT. 

 

Deuxième prototype : la couleur est bonne, le cuir est égratigné à la bonne quantité, c'est facile pour les yeux. Il est bien, mais il faut faire quelques modifs (note : c'est très important, on y revient plus tard) 

 

À ce stade, nous nous sommes un peu précipités (le projet a duré 6 mois et nous en avons eu assez de toutes ces discussions) et nous nous sommes lancés dans la production.

 

Nous avons rapidement expliqué à notre fabricant ce qu'il devait changer afin de créer les chaussures que TOUTES les personnes impliquées allaient adorer ! 

 

Le jour de la livraison, le téléphone sonne....

 

Nos deux partenaires étaient à l'autre bout de la ligne. 

 

Pour que les choses se déroulent rapidement, nous avions décidé d'envoyer la production directement à eux, sans inspecter la marchandise à l'avance.... 

 

GROSSE ERREUR ! 

 

"Oui, bonjour, la cargaison vient d'arriver.... ce n'est pas ce dont nous avions convenu..."

...Mince. 

 

Nous étions consternés et embarrassés. 

 

Voici ce qui s'est passé : 

 

Notre atelier avait recréé le prototype n°2.... sans faire les modifications que nous lui avions demandées ! 

 

C'était ma faute, je n'aurais pas dû essayer d'accélérer le processus pour gagner 2 ou 3 semaines.

 

De plus, j'aurais dû communiquer plus clairement les changements que nous voulions. 

 

C'est la vie. 

 

Et c'est ça l'histoire des 100 paires de chaussures qui se sont retrouvées en face de mon bureau ! 

(Nous n'avions pas d'autre endroit pour les stocker.)

Ça, c'était il y a 14 mois. 

 

Il nous en reste maintenant 28 paires, mais ça bouge doucement...

 

Et notre collection de printemps arrive, il nous faut des endroits pour les stocker. 

 

En résumé, les choses ne se passent pas comme nous le voudrions. 

Au fait, voici les chaussures dont je parle depuis tout à l'heure : 

 

Voici quelques caractéristiques (elles sont plutôt cool) : 

  • Ces chaussures sont entièrement fabriquées à la main par des maîtres artisans de l'industrie française de la chaussure, à Cholet. Il faut des HEURES pour produire une seule paire parce qu'on veut qu'elles soient parfaites ( = elles vieillissent bien et sont plus jolies avec le temps). De plus, fait main = chaque paire est unique ! 

 

  • Ces bottes chukkas n'enfreignent pas la règle "Jacques&Déméter" : le cuir utilisé est un cuir souple, pleine fleur, produit par la célèbre tannerie du Puy, dont les maisons de luxe raffolent. Ce type de cuir s'embellit avec l'âge, comme un bon vin ! 

 

  • Les semelles en cuir sont également fabriquées à la main en France... Avoir des semelles en cuir sur les chukkas n'est pas commun parce que ce sont des chaussures de détente :les semelles les rendent plus formelles. Pourquoi ce choix ? Nous voulions que vous puissiez les porter en toutes circonstances (mariages, au bureau, pour boire un verre... tout) ! 

 

  • Enfin, ces chaussures sont cousues en double blake fait à la main (nous sommes les seuls à le faire dans l'industrie), ce qui les rend plus élancées et plus élégantes que des chukkas classiques ET assez solides (nous voulons que vous jouissiez de leur compagnie pour les années à venir !) 

 

  • ...

Je pourrais continuer à parler de ces chaussures, mais je suis vraiment déprimé à leur simple vue, elles sont installées devant mon bureau depuis plus d'un an maintenant... 

 

Elles auraient pu avoir une si belle vie, portées par nos clients enthousiastes, avec de beaux chinos beiges… 

 

Une paire comme celle-ci coûterait AU MOINS 420€ chez une grande marque classique. 

 

Normalement, nous vendrions une telle paire à 360€, ce qui est le meilleur prix que vous pourriez trouver (ne me faites pas confiance ? nous avons en fait passé le week-end dernier à faire le tour de notre notre concurrence pour soutenir cette affirmation).

Mais nous allons vous donner une remise encore plus importante (seul vous, cher abonné à notre newsletter, recevez cette offre !)... 

 

parce que je ne peux plus les supporter.

 

Aujourd'hui, nous vous offrons la possibilité d'acheter des chukkas en daim bleu, faites à la main, de très haute qualité, fabriquées avec l’un des meilleurs cuirs de la planète...

 

Pour 270 €.

 

Parce qu'il faut qu'on s'en débarrasse. 

 

Elles vous seront fidèles pendant des années.

 

De plus, il s'agit d'une édition limitée (100 paires seulement), donc vous ne verrez JAMAIS personne porter les mêmes chaussures que vous. 

 

Pour résumer : 

 

Si vous voulez une paire, dépêchez-vous, il n'en reste que 28 et par expérience on peut dire qu'elles seront toutes parties en moins de 24 heures.

 

Comme toujours, l'expédition et tous les retours sont à NOTRE charge, sans poser de questions, nous ne voudrions pas que vous finissiez avec une paire que vous n'aimez pas 

 

Cliquez sur ce bouton MAINTENANT pour obtenir votre paire, cela prend moins de 2 minutes. 

Voici le texte que j’avais vers 23h20… 

 

Et qui est parti le lendemain à 8h. 

 

Alors, vous en pensez quoi ? 

 

Ça change de la communication aseptisée avec 4 photos et un bouton “j’en profite” que l’on retrouve habituellement dans le luxe, pas vrai ? 

 

La raison pour ce choix est toute simple. 

 

Quand l’on vend, on a deux choix : 

  • Soit on décide d’inspirer, de faire de la poésie, de dépenser de l’argent pour faire de beaux clips, de se taire parce que “parler” n’est pas élégant… 
  • Soit on décide d’y aller à fond et de dire “hé, salut toi, j’ai un truc cool à te proposer, aller, je te raconte” 

Bref, soit on décide que vendre “là, tout de suite” ne nous importe pas, soit on décide qu’il nous faut du cash. 

 

En tant que jeune marque autofondée, Jacques&Déméter avait vraiment, vraiment besoin de cash. 

Résultat ? 

 

Les 28 paires sont parties comme des petits pains, en moins de 24 heures, et on a reçu des e-mails de clients amusés qui se plaignaient d'avoir vu l'e-mail trop tard.

 

Tout cela en transformant notre malheur en opportunité, clairement présentée comme telle aux personnes qui nous suivent. 

 

Le tout avec du story-telling, et avec un discours qui s’adresse directement à l’audience et ne se contente pas de dire "achète, achète, achète".

 

Comme disait Ogilvy, "the more you tell, the more you sell".

Amen.

 

On pourrait penser que ce genre de communication “sensationnaliste” ne fonctionne pas sur des personnes éduquées, qui achètent des souliers à 300€… 

 

Mais qui n’a jamais vu une personne "éduquée" lire “Voici” sur la plage pour se détendre ? 

Ou encore regarder “ironiquement” les Anges de la télé-réalité ? 

 

Ou aller voir le dernier Avengers au cinéma ?

 

Ou manger du Macdo ?

 

Je pense que vous voyez où je veux en venir. 

À bientôt pour de nouvelles aventures !

Ce que 1% des vendeurs de beaux produits savent (et que vous ignorez...)